Une étude, menée en Amérique du Nord par des vétérinaires et une association de protection animale, a mis en exergue le profil comportemental de chiens ayant vécu en élevage intensif pour y produire des chiots, avant d’être adoptés en famille. Cette étude démontre que ces chiens manifeste de la peur, même plusieurs années après le début de leur « 2e vie » en famille d’adoption.
Les élevages commerciaux produisent une grande part des chiens de race dans le monde entier. Les « moulins à chiots » doivent répondre à des impératifs économiques et de production souvent comparables à ceux de l’élevage du bétail. Les éleveurs tendent à conserver le plus de chiens dans le minimum d’espace légalement autorisé et dans des conditions de salubrité très approximative et variable. Les chiens sont ainsi détenus dans un espace restreint pour toute la durée de leur vie de reproducteur, parfois sans sortie, ni enrichissement de l’environnement et avec des interactions sociales réduites au minimum.
Les chercheurs ont comparé les troubles comportementaux chroniques sur 2 groupes de chiens : ceux issus de « moulins à chiots » pour la reproduction et ré-adoptés à l’âge adulte (groupe 1), et une population de chiens de compagnie adoptés jeunes (groupe 2).
Les chiens du groupe 1, étaient recrutés via des associations de protection animale, qui avaient œuvrer pour enlever ces chiens des « moulins à chiots ». Pour être inclus dans le groupe 1, le chien devait avoir vécu jusqu’à 8 mois au moins dans une de ces structures (1 an pour les non-reproducteurs) et avoir été adopté depuis. Les chiens du groupe 2 (332 chiens) étaient recrutés via diverses manières (les chiens étaient issus d’un élevage (55 %), de refuges (19 %), d’animalerie (7 %), le reste étant nés à la maison (3 %), chez des connaissances (10 %), ou acquis différemment.) et étaient appariés aux chiens du groupe 1 en fonction de l’âge, de la race et en moindre mesure le sexe.

Ce qui a été noté :

Problématique et représentation en pourcentage Groupe 1 Groupe 2
Au moins 1 problème de santé 24% 17%
Au moins 1 trouble du comportement, dont : 83% 56%
Un trouble modéré à sérieux 33% 20%
Un trouble mineur 50% 36%

Les troubles du comportement sont donc fréquents dans les deux populations, mais statistiquement plus représentés dans le groupe 1.
Comparaison de niveau de peur entre le groupe 1 et le groupe 2

Manifestation pathologique Groupe 1 / Groupe 2
Peur des étrangers 8.12 / 1
Peurs non sociales 6.62 / 0.5
Sensibilité au toucher 3.19 / 1
Marquage & malpropreté urinaire 2.06 / 0.2

À l’inverse, le groupe 1 est présente moins d’agressions sur les propriétaires ou sur les personnes étrangères, moins d’agressions sur les autres chiens. Ils ont également moins de capacité d’apprentissage, et ont moins d’excitabilité et d’énergie.
Ce qui différencie le plus les 2 groupes est la « peur », même après plusieurs années en famille.

Psychopathologie induite par le stress :

Les études menées, ont démontré que le bien-être des chiens vivant en environnement confiné est inexistant. Le stress exprimé par les chiens, est à la restriction spatiale, une mauvaise régulation des températures, les interactions aversives avec le personnel du chenil, l’impossibilité pour le chien de contrôler son exposition à des situations aversives, l’accès limité aux contacts positifs intra- et interspécifiques.
Tous ces éléments sont présents dans les « moulins à chiots ».

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D’autres études ont montré la corrélation entre stress et performances physiques et comportementales ou encore le développement de comportementaux anormaux type timidité, agressivité, hyper motricité ou comportements locomoteurs stéréotypés.
De plus, la mise en évidence de problèmes de santé en plus grand nombre dans le groupe 1 illustre ce que l’on sait de la répercussion physique du stress : cette association stress chronique/maladie physique a été démontrée dans de nombreuses espèces, y compris chez l’humain.
Défaut de socialisation précoce, privation sensorielle, syndrome du chien de chenil, toutes ces pathologies caractéristiques d’une privation d’interactions positives et s’exprimant par une peur et une timidité excessive lors de l’exposition à un nouvel environnement humain et physique.

Des traumatismes précoces :

L’influence de la période prénatale ne doit pas être écartée, si l’on considère que les futurs reproducteurs ont d’abord été conçus et sont eux-mêmes nés dans ces «moulins à chiots». Plusieurs études ont montré à quel point le stress maternel pendant la gestation influence la santé et le comportement ultérieur du chiot, qui manifestera notamment : dysfonctionnement neuro-hormonal, sensibilité, peur, émotivité augmentées, exagération des réponses de stress, difficultés d’apprentissage, augmentation de la susceptibilité aux troubles psychopathologiques… Pour ce qui concerne la période post-natale, les conséquences des traumatismes précoces ont été largement étudiées chez l’enfant et ont révélé -chez les adultes qu’ils devenaient- un risque accru de problèmes psychologiques, tels que l’instabilité des relations sociales, des troubles de l’humeur de type anxieux ou dépressif.

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D’autres études menées sur d’autres groupes de mammifères (rongeurs, primates) ont mis en évidence les répercutions comportementales, psychologiques, neurologiques et émotionnelles du stress et de la privation sensorielle.
De telles études chez le chien sont assez rares, mais concluent que la période de socialisation du chiot constitue une période à risque pour des dommages psychologiques permanents, une période de vulnérabilité au cours de laquelle une expérience aversive même unique (notamment autour de 8 semaines) peut avoir des conséquences à long terme.
Il apparaît donc comme majeur de faire en sorte que les chiots, chiens qui vont peupler nos vies ne soient pas que des produits de ventes pour engraisser des pseudo éleveurs peu scrupuleux, où la vie qu’une valeur pécuniaire.

Ref .
Jasmine Chevallier Docteur Vétérinaire – Zoopsy : N°410 – mai 2016
McMillan FD et al., Mental health of dogs formerly used as ‘breeding stock’ in commercial breeding establishments. Appl. Anim.Behav. Sci. (2011), doi : 10.1016/j.applanim.2011.09.006.

 

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