Ce que nous devrions apprendre de l’empathie animale. L’empathie, c’est cette capacité à se mettre à la place de l’autre et ressentir sa souffrance, son inconfort. Une aptitude à comprendre les sentiments et les émotions d’un autre individu pouvant amener à modifier notre propre comportement, pour réduire cette souffrance, parfois à notre détriment, et sans que cela soit pour autant de l’altruisme ou de la compassion.

L’empathie, c’est comprendre ce que l’autre endure et essayer d’amoindrir cette souffrance. Et je ne vous surprendrai pas en vous disant que l’animal humain que nous sommes n’a pas le monopole de l’empathie. Il a été montré, vu et prouvé que de nombreuses espèces animales font preuves d’empathie à l’égard de leur semblable, mais pas seulement.

lage-de-empathieDes témoignages racontés par les plus grands éthologues internationaux rappellent que l’empathie animale existe. Frans de Waal, spécialiste des primates et professeur de psychologie à Atlanta (Géorgie) cite quelques exemples dans son livre intitulé « L’Age de l’empathie » 1. Il raconte l’histoire presque banale qu’une éléphante aveugle, désorientée, secouru par une autre éléphante qui vient la guider. Une scène ordinaire, dans un parc naturel en Thaïlande.

« La cupidité a vécu, l’empathie est de mise, nous dit Frans de Waal. Il nous faut entièrement réviser nos hypothèses sur la nature humaine. » A l’heure où les gouvernements et les politiques sont régis par les banquiers et les grandes puissances financières, à l’heure où les candidates aux élections se livrent à des luttes et des joutes verbales pour leur seule survie, il est temps d’opposer un autre principe, tout aussi actif que cette compétition insensée : l’empathie.

Et si jusqu’à lors l’humain a osé croire avoir le monopole de l’empathie, il s’avère qu’elle partagée par de nombreux mammifères, à commencer par les primates, les éléphants et les dauphins, mais aussi par les oiseaux, les poissons et peut être qu’un jour nous verrons les reptiles s’ajouter à la liste.

De façon basique l’empathie peut se traduire par la synchronisation des comportements : accorder nos pas sur celui de l’autre en promenade, battre la mesure en cadence avec le groupe, un attelage de chiens de traîneau se meut comme un seul être, un chimpanzé, victime de contagion, baille quand un congénère baille, et rit quand l’autre s’esclaffe.

chimpanzee-film-2012Cependant, des chimpanzés ont été observés léchant le sang de compagnons attaqués par des léopards, et ralentissant l’allure pour permettre aux blessés de suivre le groupe. Dans la même communauté ont été décrits plusieurs cas d’adoption d’orphelins par des adultes femelles, mais aussi par des mâles ². On pourrait dire que ce type de comportement s’inscrit dans une démarche sociale, dès lors que le groupe a à y gagner : « Aidons les membres du groupe, soyons solidaire, pour que le groupe reste plus fort ».

Alors comment expliquer que cette empathie demeure quand l’individu n’a rien à gagner ?

Des expériences ont montré que des rats ont refusé des jours durant d’accéder à de la nourriture, en actionnant un levier, si cette action envoyait une décharge électrique à un compagnon dont ils voyaient les convulsions. Des rats et souris ont ainsi préférant s’abstenir de manger, plutôt que d’infliger de la souffrance à leur semblable.

Une autre expérience, menée à l’Institut Max-Planck en Autriche, mettait en scène un singe capucin de laboratoire. Ce dernier avait le choix entre deux jetons de couleurs différentes. Le premier lui valait un morceau de pomme tandis que le second garantissait la même chose pour un partenaire. Le comportement du capucin étonna les chercheurs, qui eurent la surprise de voir que le capucin optait pour le jeton qui offrait la récompense à son congénère plutôt qu’à lui-même.

Pour Frans de Wall, la réponse tient en un mot : l’empathie, précisément, ou le souci du bien-être d’autrui.

Et comme mentionné précédemment, ce comportement a été observé dans des situations inter spécifique : ainsi il a été vu, dans un zoo, une tigresse du Bengale nourrir des porcelets. Un bonobo hisser un oiseau inanimé au sommet d’un arbre pour tenter de le faire voler. Ou un chimpanzé remettre à l’eau un caneton malmené par de jeunes singes. Facebook, YouTube sont pleines de vidéo montrant des situations similaires : une chatte venir en aide à un chiot qui est tombé dans une ravine. Un chat qui aide un chien aveugle, et vise et versa. rats-empathie

Pour Darwin, la « sympathie » animale s’appuie sur des mécanismes émotionnels.3 Des souris sont plus sensibles à la douleur quand elles ont vu souffrir d’autres souris dont elles sont familières. En revanche, des processus cognitifs plus complexes entrent en jeu quand il est question de se mettre à la place de l’autre : un chimpanzé délaissera ses occupations pour venir réconforter un congénère qui connaît un problème émotionnel.

« Pendant 200 millions d’années d’évolution des mammifères, les femelles sensibles à leur progéniture se reproduisirent davantage que les femelles froides et distantes. Il s’est sûrement exercé une incroyable pression de sélection sur cette sensibilité« 4, écrit Frans de Waal. Une explication éthologique pour expliquer pourquoi les mammifères, dont les petits, allaités, seraient les plus doués d’empathie. Et les femelles davantage que les mâles. Cependant il est encore beaucoup à découvrir sur la question, car l’empathie inter spécifique ne s’appuie pas sur cette théorie.

Frans de Waal rappelle que, comme pour les autres animaux, « il existe chez l’homme un penchant naturel à la compétition et à l’agressivité ». Et l’empathie humaine n’est pas toujours vertueuse, c’est sur la capacité à ressentir les émotions de l’autre que va aussi se fonder la cruauté et la torture, dont seul l’être humain est capable.

Corine Gomez – Comportementaliste

  1. Frans de Waal – L’âge de l’empathie : Leçons de nature pour une société plus apaisée [« The Age of Empathy:Nature’s Lessons for a Kinder Society »], Éditions Les Liens qui libèrent, 2010, 330 p. (ISBN 978-2918597070)
  2. « Chimpanzee » est un documentaire américain réalisé par Mark Linfield et Alastair Fothergill en 2012
  3. Charles Darwin – L’expression des émotions chez l’hommes et les animaux – Rivages Poches
  4. Frans de Waal – L’âge de l’empathie : Leçons de nature pour une société plus apaisée [« The Age of Empathy:Nature’s Lessons for a Kinder Society »], Éditions Les Liens qui libèrent, 2010, 330 p. (ISBN 978-2918597070)

 

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